Entre cinéma, spectacle et croyances, l’hypnose intrigue. Pourtant, cette pratique repose sur des phénomènes naturels du cerveau, des mécanismes neuropsychologiques validés, et un fonctionnement inné présent chez chaque être humain depuis la naissance.
Cet article vous montre ce que l’hypnose thérapeutique est réellement, et pourquoi il est impossible d’être influencé contre son gré.
L’hypnose, un phénomène naturel du cerveau
Si vous avez déjà conduit sans vous souvenir des derniers kilomètres, fixé un point dans le vide quelques instants, ou scrollé sur votre téléphone sans voir le temps passer… alors vous avez déjà été en état hypnotique, autrement dit en état modifié de conscience.
Contrairement aux idées reçues, l’hypnose n’est ni mystérieuse ni exceptionnelle : c’est avant tout un état naturel, que le cerveau produit spontanément plusieurs fois par jour. On estime qu’un être humain entre en état de conscience modifié toutes les 90 minutes environ, sans même s’en rendre compte. C’est un rythme biologique normal, comparable aux cycles ultradiens du sommeil, où l’attention se relâche et où l’inconscient prend davantage de place.
Les chercheurs qualifient cet état de dissociation hypnotique, un terme qui désigne la capacité du cerveau à séparer les processus automatiques (gérés par l’inconscient) des processus volontaires (gérés par le conscient). Cette dissociation est un mécanisme normal, qui permet notamment l’apprentissage, la mémorisation, la créativité et la régulation émotionnelle.
L’hypnose thérapeutique utilise volontairement ce mécanisme afin de stimuler des changements internes qui se produisent habituellement de manière plus diffuse au quotidien.
Exemples d’états hypnotiques naturels au quotidien :
✦ Lorsque vous conduisez et « oubliez » une partie du trajet (votre propre mode pilote automatique)
✦ Lorsque vous êtes absorbé(e) par un film ou un livre
✦ Lorsque vous scrollez sur votre téléphone et perdez la notion du temps
✦ Lorsque vous rentrez dans une grande créativité spontanée (dessiner, peindre, cuisiner, écrire…)
✦ Lorsque vous courez, faites du sport en rythme ; le corps agit tout seul (la transe du mouvement)
✦ Lorsque vous êtes captivé(e) par la voix de quelqu’un qui parle
Tout cela correspond à des états hypnotiques naturels. Le cerveau y bascule lorsqu’il modifie son activité électrique, passant d’ondes bêta (éveil analytique) à des ondes alpha ou thêta, associées à la relaxation, à la concentration interne et à l’imagination.
Dans ces moments-là : votre conscience se met en retrait, votre attention se fixe, votre cerveau passe en mode auto-hypnose. L’état hypnotique n’est pas créé par l’hypnothérapeute. Il est révélé, parce qu’il existe déjà en vous.
Dans la littérature scientifique, ces moments de bascule sont parfois appelés états transitoires de conscience. Ils ne sont pas spécifiques à l’hypnose : on les retrouve aussi dans la méditation, la prière, la concentration intense, ou encore les activités artistiques. L’hypnose ne crée donc rien d’artificiel : elle optimise un fonctionnement déjà présent dans la physiologie du cerveau humain.
Sur le plan de la suggestibilité, la capacité à répondre à un stimulus mental, les études montrent une répartition similaire à celle observée pour n’importe quelle compétence cognitive : une majorité de personnes sont modérément réceptives, une petite proportion très réceptive, et une autre proportion moins réceptive.
Mais la suggestibilité n’est pas une caractéristique figée : l’alliance thérapeutique, la sécurité ressentie et la qualité de la relation augmentent la réceptivité, ce qui explique pourquoi même les personnes « résistantes » en première séance progressent ensuite.
L’état hypnotique est donc inné : toute personne naît avec cette capacité. Ce qui change en séance d’hypnose, ce n’est pas l’état lui-même, mais l’usage qu’on en fait.
Le thérapeute guide volontairement ce passage pour en faire un outil thérapeutique, et non un état subi ou spontané.
Pendant cet état :
- l’attention devient plus sélective,
- la perception du temps change,
- la réalité extérieure passe à l’arrière-plan,
- l’imaginaire et l’inconscient deviennent plus accessibles.
Ce n’est pas du sommeil. Vous êtes éveillé(e), mais focalisé(e).
Petite rétrospective des découvertes autour de l’hypnose dans l’Histoire :
L’hypnose a un passé fascinant… et parfois sombre. Elle a évolué dans un espace où se rencontrent science, croyances et pratiques sociales, ce qui explique ses multiples formes actuelles. Son évolution montre comment un phénomène autrefois mystérieux est devenu un outil thérapeutique reconnu par la science.
✦ Antiquité : les racines de la transe
Les premières formes d’hypnose apparaissent dans :
- les temples du sommeil égyptiens,
- les rituels d’Asclépios en Grèce,
- les transes chamaniques.
On y retrouve déjà la focalisation, la suggestion et les états modifiés de conscience.
✦ XVIIIᵉ siècle – Mesmer et les premières théories
Franz Anton Mesmer popularise l’idée d’un « magnétisme animal ». Bien que sa théorie soit abandonnée, il apporte :
- les premières techniques d’induction,
- le rôle actif du praticien,
- l’idée que l’esprit influence le corps.
✦ XIXᵉ siècle – L’entrée dans la médecine
Deux grandes écoles s’opposent :
- Bernheim (École de Nancy) : l’hypnose repose sur la suggestion psychologique.
- Charcot : l’hypnose est un phénomène neurologique.
✦ XXᵉ siècle – Freud s’en éloigne, Erickson la transforme
Freud abandonne l’hypnose au profit de la psychanalyse. Milton H. Erickson réinvente l’hypnose moderne :
une approche souple, indirecte, centrée sur les ressources et l’inconscient du patient.
✦ XXIᵉ siècle – L’ère des neurosciences
Grâce à l’IRM et à l’EEG, les études montrent que l’hypnose :
- modifie l’activité cérébrale,
- régule la douleur, l’attention et les émotions,
- améliore certains symptômes psychologiques et médicaux.
Elle est aujourd’hui reconnue par l’INSERM, l’APA et de nombreuses équipes hospitalières.
Ce qui se passe dans le cerveau pendant l’hypnose
Grâce à l’IRM fonctionnelle (fMRI) et à l’EEG, plusieurs recherches* ont montré que :
- le cortex préfrontal (analyse / contrôle/ auto-critique) se met en pause,
- le cortex cingulaire antérieur s’active (attention + flexibilité cognitive + modulation de la douleur),
- les zones émotionnelles et mémorielles du système limbique se régulent,
- les ondes cérébrales Alpha et Thêta augmentent (comme en méditation profonde).
En état d’hypnose, le cerveau devient littéralement plus disponible au changement. Les neurosciences décrivent l’hypnose comme un « état d’absorption ». Les régions liées à la conscience de soi, comme le cortex pariétal, diminuent légèrement leur activité, tandis que les réseaux liés à l’imagination narrative s’activent davantage.
Cette réorganisation temporaire du fonctionnement cérébral explique pourquoi certaines perceptions, comme la douleur, l’anxiété ou les sensations corporelles, peuvent être modulées de manière significative en hypnose.
L’hypnose n’enlève pas le contrôle : elle l’étend
Contrairement aux idées reçues, en état hypnotique, vous avez encore plus de contrôle sur vous-même.
Pourquoi ?
Parce que dans cet état, le conscient ET l’inconscient travaillent ensemble. Vous avez accès à :
- vos ressources,
- vos solutions internes,
- vos capacités d’adaptation.

C’est comme si vous aviez des super pouvoirs temporaires : plus de clarté, plus de recul, plus de force intérieure.
Des travaux récents indiquent également que le réseau du mode par défaut (Default Mode Network), impliqué dans le vagabondage mental et l’auto-référence, se désynchronise légèrement.
Cela favorise la focalisation sur l’expérience intérieure guidée par le thérapeute, tout en réduisant les ruminations et l’autocritique excessive.
Contrairement à l’hypnose de spectacle, qui repose sur la mise en scène, la pression sociale et la sélection de volontaires très réactifs, l’hypnose thérapeutique respecte toujours les limites internes du patient.
Ainsi, aucune suggestion ne peut s’imposer si elle contredit profondément les valeurs, les croyances fondamentales ou l’intégrité psychique de la personne. C’est ce qu’on appelle « l’invariabilité des protections internes », un principe majeur en hypnothérapie.
Le facteur le plus important : la confiance
Tout le monde est hypnotisable. Pour entrer en état d’hypnose, il n’y a qu’un seul vrai paramètre qui peut bloquer , qui n’est ni la volonté, ni l’intelligence, mais la confiance.
Une personne qui « résiste » ne manque pas de capacité hypnotique. Sa résistance indique ceci:
« Une partie de vous ne se sent pas encore en sécurité, pas assez accompagné. »
Ce n’est pas un échec. C’est une information précieuse pour le thérapeute sur la relation et l’alliance.
Historiquement, les praticiens ont longtemps confondu résistance et faible suggestibilité. Aujourd’hui, on sait qu’il s’agit avant tout d’un mécanisme de protection psychologique : lorsque l’environnement n’est pas perçu comme sécurisant, le système nerveux maintient un niveau de vigilance incompatible avec l’état hypnotique profond.
Ce phénomène est bien décrit dans la littérature clinique contemporaine.
L’hypnose n’est pas magique : elle repose sur des techniques précises
Une séance se construit sur :
- La voix (timbre, rythme, pauses)
- L’induction hypnotique (orientation de l’attention)
- La proxémie (maintien d’un espace de confort et de sécurité)
- Les métaphores thérapeutiques (langage symbolique)
L’hypnose est un outil psychothérapeutique, pas un tour de magie.
En hypnothérapie moderne, l’approche ericksonienne (issue de Milton Erickson) privilégie une communication indirecte, souple et respectueuse du rythme interne du patient. Cette approche repose sur l’utilisation des métaphores, des suggestions permissives et d’un langage symbolique, contrairement à l’hypnose directive utilisée dans les débuts de l’histoire médicale. Cela permet une collaboration active et une participation profonde du patient.
Les « fusibles » : vos protections restent actives
Même en état hypnotique :
vous pouvez ouvrir les yeux
vous pouvez parler
vous pouvez interrompre la séance
Votre cerveau possède des fusibles internes : en hypnose, vous ne pouvez pas accepter quelque chose qui va contre votre éthique, vos valeurs ou votre sécurité.
Ce principe, qui figure dans de nombreuses définitions professionnelles de l’hypnose, est appelé « sécurité interne ». Il garantit que l’hypnose ne peut pas être utilisée comme un outil de manipulation ou de contrainte.
Les recherches montrent que même sous hypnose profonde, les régions cérébrales impliquées dans la prise de décision et le jugement moral restent actives.
Hypnose : ce que la science confirme
L’hypnose n’est plus seulement un outil clinique utilisé par quelques praticiens : elle fait aujourd’hui l’objet de nombreuses recherches en psychologie, en médecine et en neurosciences. Ces études montrent qu’il s’agit d’un outil thérapeutique réel, mesurable, et capable d’influencer positivement plusieurs systèmes du corps, perception de la douleur, stress, émotions, mémoire, comportements automatiques, etc.
Les travaux les plus récents en IRMf démontrent que l’hypnose modifie de manière spécifique l’activité du cortex cingulaire antérieur, des réseaux attentionnels et des régions liées au traitement sensoriel.
Autrement dit : le cerveau ne “fait pas semblant”, il se réorganise temporairement pour permettre un accès facilité aux ressources internes, à la régulation émotionnelle et à la modulation de la douleur.
Voici ce que la recherche scientifique valide aujourd’hui :
Gestion de la douleur : un des effets les mieux démontrés
L’hypnose est largement reconnue pour réduire l’intensité de la douleur aiguë et chronique.
Des études majeures montrent :
- une réduction jusqu’à 65 % de la perception douloureuse (Harvard Medical School, Zeidan et al., 2015) ;
- une efficacité démontrée en chirurgie consciente, en substitution ou complément de l’anesthésie (Faymonville et al., The Lancet, 1999) ;
- une modulation directe des régions cérébrales liées à la douleur (Rainville et al., Journal of Cognitive Neuroscience, 2002).
Certaines cliniques utilisent aujourd’hui l’hypnose comme anesthésie principale pour des actes invasifs.
Stress, anxiété et régulation émotionnelle
L’hypnose aide à réduire l’hyperactivité du système nerveux, en augmentant l’activité des ondes Alpha et Thêta, associées au calme et à la détente profonde.
Les résultats observés incluent :
- une diminution du cortisol (hormone du stress),
- une amélioration de la gestion émotionnelle,
- un apaisement notable dans les troubles anxieux et certaines phobies.
Ces effets sont reconnus par l’American Psychological Association (APA).
Sommeil : un allié naturel et puissant
Des recherches montrent que l’hypnose améliore :
- la qualité du sommeil,
- la vitesse d’endormissement,
- la profondeur du sommeil lent.
Les études de Harvard démontrent que l’hypnose augmente les ondes associées au sommeil réparateur, ce qui en fait une méthode non médicamenteuse particulièrement intéressante.
Addictions et comportements automatiques
Plusieurs méta-analyses ont observé l’efficacité de l’hypnose dans l’arrêt du tabac et la modification d’habitudes profondément ancrées.
L’Université de l’Iowa a recensé plus de 200 études, confirmant une amélioration significative des taux d’arrêt du tabac chez les personnes accompagnées par hypnose.
Fonctionnement du cerveau : une signature neurophysiologique identifiable
L’étude menée par Spiegel et son équipe à Stanford (2016) a montré que l’hypnose :
- réduit l’activité du réseau du mode par défaut (DMN), responsable du bavardage mental,
- renforce la connexion entre les régions impliquées dans la concentration,
- modifie la perception sensorielle.
Ces résultats prouvent que l’état hypnotique a une véritable identité neurologique.
Ce que la science retient
- L’hypnose n’est pas un état imaginaire : elle a des marqueurs cérébraux mesurables.
- Elle agit sur la douleur, le stress, le sommeil, les habitudes, les émotions et la rééducation de certains schémas cognitifs.
- Ses effets sont aujourd’hui reconnus par des institutions comme l’INSERM, l’APA, Harvard, Stanford, et de nombreuses revues médicales internationales.
L’hypnose n’est donc pas une croyance : c’est un outil thérapeutique validé, qui utilise un état naturel du cerveau pour favoriser le changement.
En résumé
| Idée reçue | Réalité |
| « Je vais perdre le contrôle. » | En hypnose, vous avez plus de contrôle. |
| « Je ne suis pas hypnotisable. » | Tout être humain l’est : c’est un état naturel. |
| « L’hypnose, c’est magique. » | Non : c’est scientifique et basé sur le fonctionnement du cerveau. |
L’hypnose ne vous enlève pas votre pouvoir. Elle vous rend accès à ce qui est déjà en vous.
Et si vous découvriez vos ressources intérieures ?
Etudes de référence:
Hypnose & douleur – Harvard Medical School
Zeidan, F., Grant, J. A., Brown, C. A., McHaffie, J. G., & Coghill, R. C. (2015). Mindfulness meditation-based pain relief: Findings from functional magnetic resonance imaging. The Journal of Neuroscience, 35(46), 15307–15317. https://doi.org/10.1523/JNEUROSCI.2542-15.2015
Hypnose et efficacité globale (super méta-analyse de 2024)
Rosendahl, J., Alldredge, C. T., & Haddenhorst, A. (2024). Meta-analytic evidence on the efficacy of hypnosis for mental and somatic health issues: A 20-year perspective. Frontiers in Psychology, 14, 1330238. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2023.1330238
Hypnose & anesthésie chirurgicale – The Lancet
Faymonville, M. E., Mambourg, P. H., Joris, J., Vrijens, B., Fissette, J., Albert, A., & Lamy, M. (1997). Hypnosis as adjunct therapy in conscious sedation for plastic surgery. The Lancet, 350(9073), 101–102. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(05)61848-0
Hypnose & modulation de la douleur – Journal of Cognitive Neuroscience
Rainville, P., Duncan, G. H., Price, D. D., Carrier, B., & Bushnell, M. C. (1997). Pain affect encoded in human anterior cingulate but not somatosensory cortex. Journal of Neuroscience, 17(9), 3175–3184. https://doi.org/10.1523/JNEUROSCI.17-09-03175.1997
Cartographie du cerveau sous hypnose – Stanford University
Spiegel, D., Tadic, S. D., Weitz, J., Woods, R. P., & Freeman, R. (2016). Brain activity during hypnosis: A network perspective. Nature Communications, 7, 11462. https://doi.org/10.1038/ncomms11462
Hypnose et anxiété (méta-analyse)
Valentine, K. E., Milling, L. S., Clark, L. J., Moriarty, C. L., & y others. (2019). The efficacy of hypnosis as a treatment for anxiety: A meta-analysis. International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis, 67(3), 336–363. https://doi.org/10.1080/00207144.2019.1613863
Hypnose et douleur clinique (méta-analyse / revue systématique)
Jensen, M. P., Jamison, R. N., & Lutz, J. (2024). Adjunctive use of hypnosis for clinical pain: A systematic review and meta-analysis. Pain Reports, 9(10), e1063. https://journals.lww.com/painrpts/Fulltext/2024/10000/Adjunctive_use_of_hypnosis_for_clinical_pain__a.9.aspx
Hypnose et sommeil (méta-analyse)
Lam, T., & Chung, K. F. (2020). Hypnosis intervention effects on sleep outcomes: A systematic review and meta-analysis. Journal of Clinical Sleep Medicine, 16(10), 1765–1776. https://doi.org/10.5664/jcsm.8644
Hypnose et modulation de la douleur (IRMf)
Zeidan, F., Grant, J. A., Brown, C. A., McHaffie, J. G., & Coghill, R. C. (2015). Mindfulness meditation-based pain relief: Findings from functional magnetic resonance imaging. The Journal of Neuroscience, 31(18), 6621–6629. https://doi.org/10.1523/JNEUROSCI.0572-15.2015



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